24 heures LE GRAND QUOTIDIEN VAUDOIS 24.11.2003
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Bach entre
velours et clarté
A Lausanne, deux magnifiques concerts prolongent le festival.
MUSIQUE BAROQUE Ars Antiqua Austria a tenu ses promesses vendredi soir, dans
le cadre du Festival Bach, à Lausanne, qui s'achève le 30 novembre.
La formation, emmenée par son violon solo Gunar Letzbor, s'est distinguée
par un son particulièrement chaud et velouté (d'autant plus
admirable que l'acoustique de la salle Paderewski est sèche - parfois
cruellement), une remarquable cohésion ainsi que par une recherche
stylistique aboutie. Des uvres de Jean-Sébastien Bach, de son
cousin Johann Bernhard et de son fils Jean-Chrétien étaient
abordées dans un style français.
Adoptant des coups d'archet, bien décrits à l'époque
par le compositeur allemand Georg Muffat, soucieux d'expliquer aux musiciens
de son pays le style en vigueur en France - où il avait étudié
-, Ars Antiqua Austria obtient une version moelleuse et délicate du
fameux
Concerto pour violon en mi BWV 1042. L'instrument solo, au lieu
d'être opposé ou mis en tension avec le reste de l'orchestre,
y nage comme une ablette dans le sens du courant, dont on aperçoit
tantôt l'éclat argenté, et qui disparaît parfois
dans le flot velouté. Le tempo est calme, et de très longs phrasés
s'y dessinent tout en souplesse et en finesse. L'oeuvre respire et s'adoucit.
Mais c'est dans les deux suites de danses du programme que ce style porte
ses fruits les plus remarquables. Et peut-être n'est-ce pas un hasard
si cette façon de jouer épouse plus naturellement les formes
des danses, d'esprit français, que le concerto, forme italienne propre
à faire ressortir vigoureusement la personnalité d'un soliste
virtuose. La
Suite en Sol de
Johann Bernhard, si elle paraît moins originale sur la fin, surprend
par la qualité de ses deux premières parties. L'ouverture, tout
particulièrement, révèle sous les archets chaleureux
de l'ensemble une majesté élégante et pleine de grâce.
Quant à la
Suite en Do de Johann Sebastian qui clôt la
soirée, elle en constitue aussi le sommet. Tout s'y équilibre
à l'intérieur de chaque ligne, aux cordes répondent deux
hautbois et un basson remarquables, dans un velours sonore constant, y compris
dans la tension d'une fugue enlevée; les phrases longues s'étirent
en mouvements, les mouvements se succèdent avec une sorte d'évidence.
Francesco Biamonte